[Maison de Serge et Marie Chachkine à...

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0919 FIGRPT0079 01
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 12,5 x 17,5 cm (épr.)
historique Reconstruire, pierre par pierre, une maison menacée par un barrage. Une sacrée gageure quand on n'est pas du métier. Histoire d'un sauvetage extraordinaire, dans la Loire, à deux pas de Roanne...
historique "Une maison, c'est un vaisseau de pierre qui traverse le temps. Je souhaite simplement que d'autres, semblables à nous, fassent grand oeuvre de leur maison." Serge et Marie Chachkine ne sont ni maçons ni charpentiers, encore moins terrassiers ou plâtriers-peintres. Pourtant, pierre après pierre, tous deux ont reconstruit leur maison, sur les pentes raides qui bordent la Loire, à quelques kilomètres de Roanne. Juste au-dessus du fleuve. A quelques centaines de mètres seulement de leur première maison, aujourd'hui submergée. Car, au pied du village de Saint-Jean-Saint-Maurice, tout a été englouti, forêts, plages et maisons, un jour de 1979. Lors de la construction du barrage de Villerest et de la mise en eau de sa retenue. Une aventure qu'ils retracent dans un livre illustré "Notre maison à bout de bras", qui vient de recevoir le prix Jules-Janin du meilleur livre régional. Locataires d'un deux pièces "dans une sombre arrière-cour de droguerie" à Roanne, les Chachkine se sont véritablement ruinés pour acheter leur première ferme. Et pour la restaurer avec les moyens du bord. Avant la catastrophe : la construction du barrage. Protestations, manifestations, lutte écologique : Serge et Marie Chachkine ont tout fait pour tenter d'enterrer le barrage de Villerest. En vain. Une fois le combat perdu, c'est une véritable "course contre la montre" qui s'est engagée. Course contre la montre pour trouver, difficilement, mais par défi, un autre terrain. Plus haut, accroché à la colline. Et pour décider de reconstruire, magnifiée, la première maison en déplaçant toutes les pierres. Sous le regard pas toujours amène du voisinage. Car les Chachkine, dans la région, ne passent pas pour des gens "normaux", même s'ils ne se sentent pas concernés par l'image "nourri au lait de chèvre". "Marginaux", d'origine modeste, aucun des deux ne travaille. Lui, apprenti-chaudronnier dès l'âge de quatorze ans, a été "père au foyer" pour élever son fils aujourd'hui âgé de vingt-trois ans. Elle, a laissé tomber son travail de fonctionnaire à la Sécurité sociale de Roanne en 1977. Peintre et sculpteur, Serge Chachkine, avant de s'investir totalement dans la création de sa maison, exposait ses oeuvres et a d'ailleurs remporté des prix. Marie, elle, s'est mise à la peinture sur faïence. L'argent de l'indemnisation obtenu, très tardivement, pour l'expropriation de la première habitation, a servi de fonds de roulement pour le couple qui vit essentiellement de ce qu'il produit sur place. Sans qu'il en dépense le tiers dans la construction de sa nouvelle maison. Car, du sol au plafond, de la décoration aux meubles, tout a été entièrement réalisé par Serge et Marie Chachkine. Même le petit chemin qui conduit à la maison. "Nous avons simplement fait appel à une société de terrassement pour préparer le terrain. Il a fallu 450 kilos de dynamite." Les arbres abattus servent à tout : à faire les poutres, les planches, les échafaudages et les meubles. Tout est débité à la hache. Aucun professionnel n'est intervenu dans la conception et la construction de l'habitation, qui n'a plus rien à voir avec la première ferme. Ce sont Serge et Marie Chachkine eux-mêmes qui ont dessiné les plans. Sans une seule notion d'architecture. "Nous avons procédé avec logique. C'est la cuisine qui nous a servi d'échelle". Toutes les pierres de la première maison ont été démontées et transportées sur le terrain de la seconde, à dos d'homme ou dans le vieux 4x4. Et les travaux sont spectaculaires : voûtes à croisée d'arêtes, chapiteaux sculptés, tour de douce mètres de haut, charpente à quatre pans, corniches, balcon forézien et balcon romantique... Les Chachkine ont bâti la maison de leurs rêves, couleur ocre. Pas n'importe comment : tout y est symbole, dans la plus pure tradition médiévale. Rien n'est laissé au hasard. "Nous avons posé la première pierre au solstice d'été, en 1981. Et nous avons pendu la crémaillère également au solstice d'été, en 1983". Toutes les poutres, ou presque, sont sculptées, les gargouilles ricanent aux façades et ailleurs. De la poignée de la trappe du grenier en passant par les corbeaux supportant les chevêtres du chevronnage, des tablettes de fenêtres aux fers forgés des portes, partout les Chachkine se sont appliqués à "offrir à l'oeil ou au toucher un plaisir esthétique". Un chef-d'oeuvre voulu comme l'accomplissement du "grand oeuvre alchimique", revanche sur la destruction de la vallée qui n'offre plus qu'une vaste étendue d'eau stagnante et malodorante. Un chef d'oeuvre qui est loin d'être terminé. D'autres pièces sont en construction, notamment la salle à manger, la salle de bain et le "jardin des dames", petit jardin intérieur où poussaient, au Moyen-Age des plantes aromatiques. "Pour qu'un rêve existe, il faut soit dormir, soit le fabriquer. Nous avons décide de le fabriquer." Source : "Un vaisseau de pierre sauvé des eaux" / Carole Chatelain in Lyon Figaro, 2 novembre 1989, p.32.
note bibliographique Notre maison à bout de bras : ou Alchimie de la pierre / Serge Chachkine, 1989 [BM Lyon, B 030944]. - "Maison Chachkine : le grand-oeuvre de pierres" / Pierre Chamussy in Le Progrès de Lyon, 20 juillet 2004.

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